Prendre le risque de la montée pour le plaisir de sentir l'effort et savoir le ciel en récompense Temps de l'essor le soir venu au versant figé pierre à pierre chuchote une eau fraîche sobre ivresse d'un désir
Dans quel espoir parcourir le champ la branche ou la tige Vert couleur de l'espoir paraît-il... La paille est dans la meule le grain rentré mais moi où est ma place dans la meule ou dans la grange Si le futur est nécessaire pour espérer le passé pour garder patience le présent me perd et m'égare bien souvent Il m'arrive souvent, maintenant, de me perdre de vue, au-dehors comme en dedans. Georges Séféris, Carnets 1925
Dans la bouche des heures longues l'eau parle paroles anciennes ranimées d'outre temps Sur la fresque brumeuse s'anime un désir d'odyssée des sirènes à imaginer entre deux vagues murmurées des routes comme des déserts embaumées d'azur et or Dans la bouche des heures longues l'eau se tait ferme les lèvres dès lors que tu n'es plus
À bien écouter derrière soi on perçoit le clapotis du vécu par-dessus la rumeur de l'existence Nul doute qu'en ce petit bruit résiste ce qui fut l'écume de ces jours non comme une métaphore artificielle clinquante et prétentieuse mais à peine perceptible si évanescente que chaque heure est une lutte pour ne pas la perdre
Haut perché moi à guetter de ma table dans le rectangle de la fenêtre le mouvement sur les branches et les petits becs saisis entre deux feuilles Sourire du jour glissé entre les lèvres dans le silence des voix l'air tremble un peu et j'hésite à m'envoler Disparu l'oiseau je ne vois que le silence de tes mots par la fenêtre et dans un morceau de soleil ton absence qui a des ailes (avec dans l'ordre d'apparition dans le troène , la fauvette, le merle et l'étourneau)
Partie de rien l'affaire fit son chemin un beau matin Au début juste une idée à peine effleurée se poser se reposer Le sac bouclé la clef tournée reste le vent à humer sur le sentier Saison d'oiseaux délivrée des mots demain ou bientôt
Il y a dans la ville des milliers d'oiseaux dont je n'ai jamais entendu le chant autant de vols gracieux qui échappent à mon regard Aujourd'hui un vol de grues est passé au-dessus des grues bâtisseuses de forêts de grands ensembles les migrateurs prennent de haut les toits des villes et les hommes les envient de les savoir libres et sans toit Un bref instant dans le trait d'un oiseau j'ai cru deviner ce qu'est vivre percevoir le monde un bref instant la vibration de l'air dans ses plumes m'a rendue heureuse
L'océan. Au bord des vagues un coquillage. Vite aperçu, vite disparu. Tu sais en lui l'enfant mouillant ses pieds qui vit sa vie éternellement dans le mystère et la mélancolie d'un jour éteint. Cette vague qui roulait, ce frisson du jeu, tu l'as oublié alors tu restes immobile éblouie par le reflet les cheveux au vent une jambe dans l'eau l'autre offerte à l'inéluctable
S'illuminer comme le mirage de son portrait en plein soleil ou l'idée du pas guidé par la pluie sur le chemin Suivre la piste claire née d'un désir chant de la douce inquiétude du corps fatigué S'accorder le vacillement et le doute sans jamais s'exposer à la plainte Ainsi paupières à demi fermées à cette heure rien ne saurait mieux destiner l'aube au jour