à Cédric B. Le chêne de toute sa ramure un jour fera place au ciel Arbre oublié arbre familier Comme quand s'ouvre le regard paysage éclairci chemin déblayé
Planté dans la chair pierre entre ivresse verte et ciel immobile il a figé en silence son regret des voix humides de la forêt qu'il ne saura jamais un arbre un arbre né des pavés et de l'asphalte noire remous de mousse et de sève enserre de ses bras l'enfant de la ville
sous l'écorce maigre tous les périls d'une vie proie facile livrée aux syrex sans bras tendus au ciel fin de la résistance de la lutte pour la place au soleil quel vent perfide a décidé du terme du combat quelle ombre s'est oubliée si bas coups de sabre et de tabac vermine parasites les écumeurs de sève les profiteurs de bien se paient de l'intérieur
En chemin j'ai respire enfin et me suis oubliée dans l'écorce rugueuse du pin familier Rien de bien spectaculaire à décrire ici rien qui intéresse l'autre ou les petites affaires du monde En chemin du parfum des arbres est née la forêt l'oeuvre de la nature est bien plus généreuse que celle des hommes dans la peau des arbres je peux exister
L'aube se tisse une brume sur mesure entre les berges de la baie un répis avant la montée du jour qui laissent mouettes et goélands sans voix De chaque côté du grillage des vies parallèles se regardent sans se voir chacun de passage use du paysage il fera encore chaud aujourd'hui
Juste au début du froid les arbres dans un désir d'élévation se dénudent pour mieux sentir le poids de tous ces nids abandonnés au ciel jusqu'au printemps La mémoire de l'arbre gardienne du futur s'éternise là où le temps est patience
Enfant je fus initiée à la langue des arbres depuis je les écoute sans un mot me raconter en verts mots les saisons le vol des oiseaux migrateurs et tous ces petits mondes qu'ils accueillent La mémoire de l'arbre est la Babel universelle fourmillante d'invisibles mondes non profanés
La mémoire de l'arbre affleure aux branches tempêtes et canicules y inscrivent leurs charges le vent y glisse ses murmures le soleil ses caresses La mémoire de l'arbre et celle de sa terre se ressemblent elles puisent aux mêmes racines
Dans la forêt derrière la dune la peau des arbres parle du chaud dans les veines du désir et de la nostalgie de la rude terre assoiffée. Ce n'est pas l'appétit qui les mène s'ils s'accordent quelques libertés et font œuvre de grâce et d'audace ce n'est que pour tenter de survivre
Un temps approche obéissant à l'heure de l'histoire qui se répète implacable et vide Je parle du temps qui lâche ta main et dérobe la lumière temps où le verbe s'oublie parce qu'il est soir Quand le coeur se lézarde et le sable reste sec quand le feu ne réchauffe plus et le rire se dérobe au vent la pierre lourde de chacun de ses grains pèse dans la main.
Consentir à l'exil non volontaire du corps aux marges de la ville sur le cadran les heures sont comptées les racines cèderont une à une sous le morne ciel ne restera que le vert d'une branche en souffrance ... Entre béton et bitume Pour pousser je me débats ... Comme un arbre dans la ville... M. Le Forestier
La plage dort dans sa coquille un drap rougeoyant en écharpe Il suffira d'un souffle dans les tamaris pour couvrir ses paupières de rêves La plage dort dans l'haleine de l'océan ses lèvres pleines du chant lunaire L'ami te souviens-tu du pas céleste à l'automne de ta vie ?
semée à la volée la graine prend racine le sanglier ou le brocard en feront leur régal que sauront les générations futures de l'intention de la terre de ces petites choses abandonnées à l'humus bonheur dans cette poignée à la mesure du coeur
Tendre vers le vert s'ouvrir au ciel et à l'eau dans la douceur du renouveau dans le plus petit souffle ou la pire des tempête rien ne sera plus propice au repli en soi à l'éveil de soi que le vert apaisant des grands arbres
Vent de terre vent du fleuve ta mélodie se joue entre deux pétales et la butineuse Comme l'averse fraîche tu ris des mots nouveaux à explorer qui ne désirent qu'éclore et vivre Dans le vieil arbre se réinvente le temps au rythme de la saison dans la glycine le chant de l'oiseau Saison de promesses les feuillages ont déjà goût de fruit et la fleur abonde au rêve bourdonnant
Le sentier ne peut être séparé de la forêt il est la forêt j'avance donc dessus en harmonie avec chaque arbre et chacun de mes pas trace une ligne durable qui me perd et me prend
L'arbre s'est ceint de douces présences. cris d'enfants sous les feuilles folles déclarations songes tus de vieilles voix nu et muet il leur offre le cercle dense de sa vitalité