Dune

Dans nos placards bien rangés dans des boites les photos jaunies d'enfants de mains et de visages  des lettres  entre des fleurs séchées instantanés de destin pris par surprise dans leur pose appliquée. Petits bouts de papier petites consolations au doute sur le chemin j'ai toujours aimé les toucher ces fleurs tranquilles légères et friables, elles ne disent rien de plus que l'absolue nécessité de la perte. mars 2019, dans mes boites.

L'araignée déjà tisse sa toile de petits insectes juste nés s'y laissent prendre, il y a aujourd'hui quelque chose d'étrange qui donne au soleil printanier la conscience d'un bout de nuit. J'entends les oiseaux qui étourdissent les arbres ils me réveillent si loin de toi que le chagrin découvre mes épaules qu'il serait si triste un printemps où je ne pourrais dire tout ce que j'ai à te dire. Me voilà parée de toutes mes chaînes il y a mes yeux il y a mes lèvres et l'attente du jour où nous serons vieux échappés à la toile que nous avons nous-même tissée, libres de tout nous dire. mars 2019, la pesée du temps mimizanais, balance à fléau de mon arrière-grand-père.

Revient cet autre frisson que tu attends en secret né d'un mouvement de la main d'un presque rien. Tu bois un café le matin sans te poser de question ton corps s'installe dans la lumière ce qu'il faut pour traverser le jour du jour tu as peu à dire du bruit, des lieux, des figures, fatiguées ou indifférentes parfois un sourire. Tout cela pour n'arriver qu'au soir tranquille régurgiter les mêmes mots toujours les mêmes pensées jetées au mur qui ne t'offre que son silence au dernier cri d'oiseau dans l'ombre qui s'allonge sur le fil sensible l'attente du prochain frisson... attente station Pyrénées, 2014

J'ai trouvé un bout de poème ce matin ses mots se sont plantés dans mes yeux ils sont devenus           arbre j'ai longé le tronc suivi la courbe des branches pris la mesure des feuilles j'ai élagué veillé à la croissance fait fructifier ... dans le doute j'ai recherché les mots mon ombre les dissimulait leur présence était devenue           floue je ne les ai pas reconnus pourtant je discerne encore la trace grise de leur tracé leur murmure dans mon feuillage          libre au jardin, dans l'attente du mimosa 1er février 2019

J'ai trouvé au lever du jour des signes évidents de rêves     rien                      j'ai attendu Sur d'autres rives de sombres branches gardaient l'eau de ma fatigue Un peu de nuit encore quelques pas dans la brume cela suffira pour aujourd'hui Rosnay, été 2018

lacis secret le marécage absorbe le pas de l'homme La photo ne cache rien des démêlés de la lumière avec le chemin. L’œil de l'appareil n'est pas le trait de l'artiste qui veut atténuer, calmer ou exacerber les pudeurs et les fantaisies de la nature.  Touchée et non retouchée par la photo, je conserve intacte l'émotion du lieu et du moment. (Mimizan 2017)

Nous nous étions reconnus (nous nous reconnaissions toujours) ensemble nous marchions vers la mer sans bâtir sans amertume pas dans l'élan de la vague juste guettant les signes du monde                une entente parfaite

repousse anarchique sur la rive l'eau baigne le pied foisonnant coupée de ses racines la vie s'étiole vite Le long de l'Eau Bourde , janvier 2019

Mordue par le froid le pierre se tait tourne le dos au soleil de la berge L'hiver loge entre les murs oubliés rien ne s'efface juste un petit rayon une ombre sur le mur le temps tourne à l'envers Inutile de parler la quiétude a besoin de mélancolie pour exister janvier 2019 St Macaire

A la première heure du jour l'envolée maladroite d'un oiseau ne peut rassurer  la dernière étoile frémissante Le bleu nuit se déchire à l'extinction du dernier lampadaire Le chat voûte l'échine se retourne l'œil endormi troque envies de vadrouille contre rêves à la lampe

Les mots ne sont pas tristes ils vont de ciel en ciel près d'eux s'apaisent les lumières comme un assentiment Les mots sont un peu plus que ce crépuscule ils se regroupent et conversent avec l'histoire cherchent à entrer dans la chambre s'invitent à la table pour t'écouter Les mots naissent de l'affleurement de ton cri silencieux (photo, réservoir à mots, Cenon octobre 2018)

Tu penses suivre ton chemin sans savoir que tu es déjà arrivé tu veux faire entendre tes pas alors que tu ne leur donnes qu'absence Prétexte ! Ne sens-tu pas ou veux-tu ignorer l'absolue présence ? (Grand escalier, Grand théâtre Bordeaux)

Novembre la dune courbe le dos enroule la brume dans le moindre de ses ourlets Tout dort blancheur du ciel blancheur du sable le temps frissonne remonte son col