aux cailloux des chemins


 Mi septembre, nous fêterons le premier anniversaire de notre maison d'édition. Cinq livres publiés !
Incroyable ! Les Nuits indormies ont eu le plaisir de décliner la couleur des mots de poètes aux voix bien différentes avec joie et enthousiasme. 
Aujourd'hui ce sera florilège https://www.aux-cailloux-des-chemins.fr/

Note interne (2) de Murièle Modély dans le recueil User le bleu

 

Puis j'ai pris le métro

la mort avait duré une heure et demie

juste le temps d'atteindre

la première plage

d'accueil

j'avais dans mon sac un sourire

pas mal de clients en attente

je bougeais à l'intérieur

contre le cuir

comme un chien fou

tout allait très bien

dans une poche, j'avais plié ma bouche

dans la rame, chacun avait rangé sa langue

chacun avait calé son regard

dans l'angle mort

où personne ne peut voir

les grincements de dents, l'aboiement silencieux

sous les lèvres étirées, les hurlements, hululements

 tout va si bien depuis tellement longtemps

******

FERDINANDEA de Stéphane Bernard dans le recueil Combattant varié

 

Il y a cette île, Ferdinandea, en mer de Sicile,

et qui n’existe qu’en de courtes périodes. Elle est

la tête hors de l’eau du volcan Empédocle à son réveil.

 

Sa colère le portant, Empédocle hissé se fait île.

 

Plus tard, quand le cratère s’apaise,

la mer s’insinue, fait des bouches éruptives calmées

des lacs où l’eau par chimie rougeoie.

 

L’île demeure encore un temps île,

puis plonge à nouveau. Le feu alors rendormi

rêve moins de dix mètres sous les vagues.


******

Là où ici de Vincent Motard-Avargues


à peine commence-t-on à s’habituer à

quelqu’un que cette personne disparaît

 

à peine commence-t-on à se lover contre

un lieu qu’il finit par ne plus être nulle part

 

à peine commence-t-on à se fondre en

une époque qu’elle se dissout dans le temps

 

le mouvement / la vie

la fuite / l’existence

 

je connaissais ton nom… mon ami-e

je ne savais rien de toi

 

toutes ces parcelles de lumières

à corps d’ombres

 

nous sommes les empreintes

que nous ne laissons pas

 

d’ici je ne vois pas la lune

englobée dans les réverbères

 

la ville… hécatombe du naturel

tout s’y habille d’artifices

 

sous mes yeux la rocade défile… folle

tremblements nerveux du vide & du silence

 

je ne rêve pas d’un ailleurs lointain

puisque y vis en ce moment même

 

je ne peux pas partir d’où

je ne fais que partir

 

je reste & dans ce « je reste » il y a

tous les départs qui s’en vont


******


Les Voix du venir de Charles Pennequin


Quand je parle j’ai l’impression d’être quelqu’un.
Il y a enfin vraiment quelqu’un
quand je me mets à parler.
Quelqu’un qui a une position et des idées.
Il a des trucs à dire quelqu’un.
Ça se voit tout de suite
quand il se met à parler.
Il est enfin quelqu’un.
Sinon il est rien.
Mais s’il s’entend le quelqu’un
il se rendra compte à quel point
c’est léger. C’est tout léger
et pourtant c’est quelqu’un.
C’est quelqu’un qui s’envole
quand il s’écoute parler.
Il s’envole tellement qu’il est léger.
Il se sent pas vraiment quelqu’un
même quand il écoute.
Et pourtant il pensait qu’il était
vraiment là. Vraiment enfin posé.
Dans son parler. Comme une pierre
une pierre qu’on lui poserait dessus.
Lui il a posé sa voix et c’est devenu
cette pierre posée.
Mais quand il s’écoute la pierre s’envole.
Y a quelqu’un qui prend les voiles
quand il s’entend enfin vraiment caus
er.


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Le vent souffle sur nos traces depuis toujours de Michel Bourçon


les yeux posés sur les lattes du parquet

l'esprit tente d'avoir leur apparence

lorsqu'elles brillent lisses

dans le matin qui se hisse sur la ville

pour les laisser ensuite

à leur immobilité

en considérant seulement la pièce à vivre

 

il n'y a plus en tête

l'idée de les voir

elles reviennent pourtant

une fois dehors

s'aligner impeccablement dans le souvenir

éphémère où elles luisent

comme les fruits d'un marronnier

qui tombent et hors de leur bogue

roulent çà et là sans demeurer

dans la conscience de l'arbre

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