[Cet article reprend depuis sa création l'ensemble de la collection "Banc" de ma page Google + ]

Le château dort derrière ses hauts murs
que réveillent le pas des curieux
il ne replonge dans un grand sommeil
que pour conserver ses âmes en peine

Le banc a fait siège aux milliers de vies
et de ces multiples vies qu'il y a accueilli
dans l'ombre de son apparente immobilité
je sens chaque frisson sous les frondaisons

http://www.cahiers-entre-deux-mers.fr/2012/09/le-chateau-de-cadillac/
[...]Les conditions de détention particulièrement dures feront que la Maison de force et de correction des femmes de Cadillac aura le triste privilège de compter l’un des plus importants nombres de décès de l’ensemble des maisons de femmes. En 1864 il s’élèvera, pour cette seule année, à trente quatre ; à vingt trois pour 1865 et vingt neuf en1866, alors que les effectifs sont compris entre trois cent cinquante et quatre cents.
La Maison de force et de correction de Cadillac fermera ses portes le 27 décembre 1890.
Cependant six mois après sa fermeture, soit le ler juin 1891, le château va recevoir un premier convoi de transfèrement de fillettes « délinquantes » mineures, âgées de 9 ans à 15 ans ! Ce sera les prémices de ce qui deviendra par la suite, en 1905, « L’école de préservation pour les jeunes filles » dont le régime répressif fut d’autant plus terrible que cette fois il concernait des enfants et adolescentes. Cette institution fonctionna pendant plus de soixante ans et ne fut fermée définitivement que le 10 septembre 1952.[...]

Thierry Metz, encore, l'homme qui penche, Centre hospitalier de Cadillac en Gironde, pavillon Charcot. Octobre 1996.
"C'est l'alcool. Je suis là pour me sevrer, redevenir un homme d'eau et de thé. J'envisage les jours qui viennent avec tranquillité, de loin, mais attentif. Je dois tuer quelqu'un en moi, même si je ne sais pas trop comment m'y prendre. Toute la question ici est de ne pas perdre le fil. De le lier, à ce que l'on est, à ce que je suis, écrivant."


face-à-face

je jette des petits cailloux blancs
vers le banc d'en face
ils n'en finissent pas de faire des ronds
sur la surface légère des jours
suffit de viser juste...

(Banc, jardin Cadillac, octobre 2018)


Voici le banc de la patience, banc du courage sans grand mérite. Celle qui s'y est arrêtée ne sait tenir rigueur à l'autre de ce qui en lui la blesse.
A l'écart du monde, dans l'ombre, elle ne prend aucun risque.
Reconnaissez lui le mérite de n'envisager l'autre qu'en dehors de toute revendication de droit au bonheur et la folie de l'attente sur la rive du désir.
( Château Naillac, Le Blanc, 9/8/18)


Elle a ce penchant
que l'on remarque chez
les vieux bancs quand
leur bois ridé rapetisse
avec les ans.
Qui ose s'approcher
l'entend confier à la
risée l'insupportable
tendresse des lieux
de l'enfance.
Elle a cette inclinaison
à la tristesse du présent
là où se croisent la
nostalgie des pas
disparus et le poids
d'être vivante.

(Photo, banc sis Woolsack, sortie kayak lac de Mimizan, courant de Ste Eulalie 12/7/18 matin)


Certains mots portent en eux l'ombre
d'autres la lumière
les dire ou les taire peut changer la vie.
S'asseoir dans le clair obscur
permet de les distinguer
c'est sûrement pourquoi
les bancs préfèrent
les frondaisons au plein soleil.
Pourquoi faut-il que ce qui nous éclaire
se tienne dans l'ombre ?

(parc floral Bordeaux, un jour d'été)


Qu'ils sont beaux ces petits bancs de pierre ou de bois que quelques mots ont bâti d'amitié.
La liberté et la légèreté les protègent, ils n'attendent rien ni aventure, ni rencontre, leur simplicité préserve leur sincérité.

Vrac (être poète) (238)
Etre poète, c’est rester sur ce banc à retrouver

mentalement les quatre tourelles manquantes

de la petite roquette dans ce parc.

http://leconnardsauvage.canalblog.com/archives/2018/05/06/36341152.html


J'aime les traces hasardeuses
posées ça et là
par les hommes ou le vent
soupçons de vie égrenés
sur les murs de la ville
par la main paisible ou enragée
dans les replis du sentier
au gré d'une liberté choisie.
J'aime guetter l'éclat soudain
du soleil dans l'échancrure d'un nuage
l'odeur âcre de la tourbe
et celle iodée de la marée d'automne
affamée d'enfance.
J'aime le chemin qui encore
étonne mon pied d'être là
et la trajectoire de l'oiseau
qui se prolonge vers l'absent.
J'aime sentir toutes les vies
qui ont fait parenthèse
sur ce banc
se sont reposées
ont contemplé et médité
aimé ou pleuré
avec pour seul témoin
l'eau qui roule inlassablement
vers le large.
J'aime le temps silencieux sur le banc
qui invite à fuir
bonheur ou malheur y gagnent
la force de l'oiseau qui ignore
la pesanteur.

(Hendaye 2018)


Certains bancs ont la froideur de leur pierre même exposés au soleil. Placés stratégiquement par le paysagiste dans un soucis mêlant esthétisme et peur du vide, ils occupent un espace depuis lequel le regard doit balayer à loisir l'architecture paysagée. Leur simplicité ostentatoire n'incite ni au repos, ni à la méditation. Ils ne donnent à voir qu'une nature modelée à notre convenance tuant toute curiosité, épuisant à la source l'imaginaire dans l’œil.
Ils me rappellent certaines personnes qui ne peuvent exister que dans le désir de paraître, de s'exhiber pour s'entendre dire qu'elle sont magnifiques.
Je suis passée plusieurs fois devant celui-ci, n'y ai jamais vu personne assis, j'en ai été rassurée.
(Pau , jardin Henri IV, février 2018)


Ça, c'est du costaud !

En équilibre, sur le fil du temps, dans l'intuition du vide qui nous guette, au hasard de nos désirs et de nos craintes, tout à tour, nous nous bâtissons et nous nous ruinons.
Qu'importe tant que nous restons lucides et savons mesurer le degré de solidité de notre fragile construction qui bientôt de toute façon s'écroulera.
"Réussir sa vie", n'est-ce pas simplement arriver à combiner paisiblement, bon an mal an, nos gesticulations incohérentes et nos talents d'acrobate ?

(1 Je ne fais pas entrer l' Autre dans la combinaison, l'équation en deviendrait insoluble)
(2 Citer est-il paraphraser ? Autre questionnement ...qu'importe suis accro à Marguerite, ne vous en déplaise!)

"...chaque homme a éternellement à choisir, au cours de sa vie brève, entre l'espoir infatigable et la sage absence d'espérance, entre les délices du chaos et celles de la stabilité, entre le Titan et l'Olympien. À choisir entre eux, ou à réussir à les accorder un jour l'un à l'autre.
Marguerite Yourcenar Mémoires d'Hadrien

(banc bien planté, Hendaye aux alentours de la gare, janvier 2018)


Certains bancs tournent le dos au souvenir, se refusent au séant. Témoins du temps défaillant, ils s'arc-boutent sans renoncer au combat.
Vois, il suffit de changer de rive pour que ressurgisse l'image inaltérable témoin de l'émoi partagé.

[Le souvenir d'un bonheur n'est bénéfique que lorsque celui qui se souvient est encore heureux. dans le malheur, il n'est pas une consolation ou un refuge mais la brûlure d'un regret sans espoir. Claude Roy L'ami lointain]

Mimizan 1/1/18 tempête au bord du Courant


Il ne faut pas oublier les signes non évidents de présence.
Le jaune rappel du jaune, comme un clin d’œil solaire
une invitation amicale à poser sur le banc
le poids des absences qui plombe le sac à dos.

S'asseoir, lire et rêver
s'éclipser derrière le jaune
pour mieux pardonner à la vie.

(Mimizan 25/12/17 13 h, sur le chemin de la Mayouhere)


Si vous imaginez le nombre de rêves éveillés, de batailles contre soi ou pour l'autre, le poids de toutes les pensées mélancoliques ou joyeuses, la densité de la méditation accumulés par deux planches de bois cachées dans le feuillage au bord d'un lac, oui, si vous les imaginez, alors vous les regarderez avec respect et vous passerez votre chemin pour ne rien déranger.

(Mimizan, lac d'Aureihan vers Woolsack, août 2017)


Il y a cette autre fenêtre
obscure à tes mots
au poids des années
tu y mêles reflets et
lueur intérieure

dedans/dehors

Tu acceptes l'intrusion
un instant
droite devant la vitre
le regard posé
sur le banc...

(Haut Cenon, 18/11/17 23h30 l'heure des derniers trams nommés...)


Il est bon de savoir contenter son repos de l'efficacité de deux planches, de la franche et solide sobriété du bois brut.
Notre chemin croise parfois des êtres semblables, qui cultivent le dépouillement du geste et de la parole et donnent à la simplicité une sophistication élégante.
Leur rencontre est une évidence et j'aime croire être pour certains une de ces personnes.
(...un peu bancale, certes !)


(photo, sur le chemin de la Mailloueyre, août 2017)


Je me souviens de moments, de lieux, de partages qui furent quoique insignifiants sur l'instant, les plus riches et les plus fidèles à l'image de ma vie que n'importe quels autres.
Ils ont fixé des joies, des troubles ou des peines qui m'échappent mais qui, des années plus tard, affleurent à ma surface.
Ils sont les assises branlantes de mes sentiments, ils me disent, ainsi tu as ri ou pleuré, ainsi tu as été et tu seras, fluctuante et inébranlable.

(24 avril 2014, pontonbanc sur le fleuve, port des Calonges)


ll n'y a de vraie place
dans l'ombre apaisée
que pour celui
qui cherche
la pensée sans peur
patiemment recueillie
unique
celle qui gardera la chaise
vide

« Quels que soient nos luttes, nos triomphes, quelle que soit la façon dont ils nous affectent,
ils ne tardent pas à se fondre en un lavis,
à s’estomper, comme de l’encre diluée sur du papier. »
Ultime phrase de" Geisha" d' Arthur Golden
JC Lattès

(photo Royan 28/7/17)




Silence
tel que tu l'entends
sous son regard indifférent

(peut-être en rêve, mais tu ne rêves plus)

tu étire le corps
tu te vois tomber
dans cette rue empierrée
ton esprit pénètre les odeurs
répète chaque moment
tu vois ta chute
à pic
dans cette déconvenue
un oubli
un vide
le silence

(banc Dolceacqua, Italie 2017)




Tout ce que j'ai cru
tenir dans mes bras
tout ce que mes mains
ont offert de caresses
est plus grand que
la ville entière posée
sur ce banc

Tout ce que mes épaules
ont supporté de douleurs
tout ce que mon cœur
a traqué dans la solitude
tient là à cet instant
sur la pierre
de ce banc

(photo Royan 27/7/17 22h)





chaque banc garde
le souvenir des regards
qu'il a accueillis

Haïsha banc, photo M, juillet 2017, San Sébastian.

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